Belle surprise : un témoignage sur le vif

DSC_0002Depuis cette année, j’ai eu droit à un cours de religion un peu particulier. En effet, au lieu d’étudier la religion en elle-même, on s’intéresse plus au côté relationnel et à la découverte de soi.

Au premier cours, je me suis réellement demandé ce que je faisais là et si tout ça était normal. Qui imaginerait un cours où l’on chante, fait des jeux, etc. ? On a dû faire une minute de silence et j’ai été pris d’un fou rire incontrôlable ; il m’a fallu toute la journée pour comprendre que j’étais en fait plutôt mal à l’aise à ce moment-là.

Aux cours suivants, on a refait la même chose, chant, minute de silence et dire l’émotion qui nous parcourait. Comme au premier cours, je trouvais cela plutôt ridicule et, à vrai dire, je me suis dit : « Génial ! Un cours où je n’aurai rien à faire. » Notre professeur nous a demandé de faire ce qu’elle appelle un « jeu de vie ». Il suffisait de sourire aux gens qu’on croisait. « Super comme devoir, ça ! » Malgré ce que je pensais à ce moment-là, je me suis dit « Pourquoi ne pas le faire ? » et en le faisant, j’ai ressenti comme quelque chose qui changeait en moi.

Le cours suivant, je ne rigolais plus, j’étais même plutôt attentif. Et moi qui, d’habitude, aime faire le pitre, je trouvais ceux qui dérangeaient le cours agaçants. Au lieu de rêvasser pendant la minute de silence, je me concentrais sur moi-même. Au lieu de dire une émotion aléatoire, je réfléchissais à ce que je ressentais vraiment au fond de moi. Je ressortais du cours avec le sourire, mais plus le même… Un sourire sincère et satisfait remplaçait un sourire moqueur et amusé. Après à peine un mois de cours, je me sentais déjà différent au fond de moi, comme plus en paix avec moi-même.

Contrairement à ce que je pensais aux premiers cours, ces deux heures que je voyais comme des cours de « sieste », m’apprenaient de plus en plus de choses sur moi-même et sur les autres. J’ai été en décrochage scolaire ces dernières années et je m’étonne de me voir m’intéresser et m’impliquer autant dans un cours.

Les jeux de vie, qui étaient en quelque sorte les « devoirs », m’apportaient beaucoup plus que des exercices de math ou autres. Les « 1+1=3 », se mettre à la place de l’autre, remercier, et tous les autres me changeaient.

On a eu, un jour, la visite d’un inconnu dans notre classe et il s’est fait passer pour un nouvel élève. Je trouvais ça drôle au début mais, en y réfléchissant, c’était plus un manque de respect qu’autre chose. On a la chance d’avoir un cours qui nous apporte ce que peu de gens peuvent nous apporter et je ne comprends pas comment certaines personnes ne peuvent pas être sensibles à ça…

Ce cours, contrairement aux autres, ne nous apprend pas des choses sur la vie, mais il nous apprend à vivre tout simplement. C’est malheureusement quelque chose que beaucoup de gens n’ont pas appris. Apprendre à s’écouter, à prendre du recul, à se mettre à la place des autres, c’est tout simple, mais trop de gens oublient de le faire. Ces chansons, ces minutes de silence, ces temps de parole, cela fait beaucoup de bien, qu’on le veuille l’admettre ou non.

J’ai appris plus sur moi-même en trois mois de cours qu’en dix-sept ans de vie. C’est drôle quand même, non ? Ceci est véritablement un cours qui devrait avoir lieu dans toutes les écoles du monde. Il aide à se sentir mieux, à se comprendre et à se connaître. Et c’est exactement ce qui manque aux jeunes d’aujourd’hui. L’école, ce n’est pas seulement étudier. On y passe le plus de temps quand on est jeune, raison de plus pour s’y sentir mieux et écouté. On pourrait penser que, comme je ne suis pas un grand travailleur, je trouve forcément ça intéressant de ne pas devoir véritablement « travailler » comme on le fait dans les autres cours, mais ceux qui pensent cela se trompent. On travaille autant à ce cours de religion que dans n’importe quel autre cours. Cependant, au lieu de travailler sur des feuilles ou des manuels, on travaille sur nous-mêmes. L’école nous forme pour notre vie future, non ? Je pense que ce cours, mieux que n’importe quel autre, nous y prépare.

J’ai malgré tout une chose à reprocher à ce cours. Je ne le nommerais pas « cours de religion », mais bien « cours de vie. »

Je souhaite suivre des études d’enseignant par la suite. Je pense que j’utiliserai quelques activités que j’ai pu partager, si j’atteins mon objectif. C’est une expérience incroyable – et encore, je pèse mes mots – et il faut qu’un maximum de gens puisse la vivre.

J’ai beaucoup changé pendant ce trimestre et ce, à de nombreux points de vue, et je pense que le cours de religion y est pour quelque chose. Je suis très enthousiaste pour la suite et j’espère que j’en apprendrai plus sur moi-même et sur les autres. Une relation invraisemblable se crée lorsque l’on est assis en rond dans ce petit local et je ne voudrais pour rien au monde que cela change.

Malgré ses allures de frotte-manche, je tiens à préciser que je pense profondément tout ce que j’ai écrit et que je suis très heureux de pouvoir le partager. Cette expérience restera gravée dans ma mémoire et je vous en remercie.

Réforme des cours de religion : il faut aller plus loin.

Dans l’émotion suscitée par l’incroyable sursaut citoyen qui s’est manifesté à Paris et dans de nombreuses villes du monde ce dimanche 11 janvier, les médias belges reviennent sur la nécessité de réformer les cours de religion en les ouvrant à la citoyenneté, la philosophie et aux différentes religions.

Au sein de l’école telle que nous la vivons aujourd’hui, il s’agit là bien sûr d’une heureuse initiative, déjà inscrite d’ailleurs dans le référentiel de l’enseignement catholique, et vécue depuis bien plus longtemps encore par nombre de ses professeurs de religion.

Mais ce n’est pas en apportant un cours théorique différent ou supplémentaire que nous inspirerons le respect à nos enfants et nos élèves. Pour vivre l’ouverture, il faut en faire l’expérience. Or tandis que les dogmes et les rites nous séparent, la spiritualité (laïque) nous réunit : chacun peut faire l’expérience en son for intérieur du mystère qui nous dépasse tous, athées comme croyants, de la profondeur du calme qui sous-tend nos tempêtes lorsque nous faisons silence, de l’appel qui nous pousse à évoluer sans cesse vers le meilleur de nous, vers la réalisation de ce que nous portons d’unique pour le mettre au service de la vie quelle qu’elle soit.

Dans mes classes, nous nous donnons à chaque cours un moment de silence, dans lequel j’invite les jeunes à observer leurs émotions et leurs pensées, sans les juger ni s’y attarder. Ensuite, nous faisons passer un bâton de parole afin que chacun puisse partager l’émotion qui l’habite sur le moment. Ces activités qui nous touchent profondément ont la faculté presque immédiate de rassembler tout le monde dans une même énergie. Mes élèves reconnaissent qu’elles leur font « un bien fou » et leur permettent d’accueillir même les personnes qu’ils rejetaient jusqu’alors. « Ce moment privilégié m’a fait découvrir, en moi, des profondeurs inconnues jusqu’alors. » (Guillaume)

« En écoutant, je me rends compte que chaque personne est unique. Au début, j’avais une image très superficielle, basique. (Jérémy)

« Je retiendrai toujours le respect qui régnait dans la classe lorsqu’on se confiait. Ça m’a permis de me sentir en confiance et acceptée dans mes décisions. » (Marie)

Lorsqu’ensemble, dans une classe, nous avons fait l’expérience de l’humanité vivante, lorsque nous nous sommes tous mis au diapason les uns avec les autres, il s’avère si simple alors d’expliquer, lorsque cela se présente, comment nous la mettons en pratique au quotidien, à la mosquée, la synagogue, l’église, le dojo ou encore dans nos promenades silencieuses en forêt.

Une fois de plus, il convient de ne pas se boucher les oreilles. Profitons de cette période bénie où une marée humaine se mobilise sincèrement et profondément dans une émotion partagée, non pas pour opérer quelques réformettes de plus, mais pour repenser l’école dans ses fondements-mêmes.