De plus en plus de professeurs, de spécialistes bien intentionnés, de firmes pharmaceutiques moins généreuses sans doute, dépensent leur énergie pour accompagner les élèves dits à problèmes, c’est-à-dire les dyslexiques, les dyscalculiques, les TDAH, les HP et j’en passe. On peut ajouter à cette liste les enfants en décrochage ou les phobiques. Avec le temps et les observations, les « maladies » étranges se multiplieront à coup sûr.
Mais s’il n’y avait pas de réel problème ? Si les difficultés rencontrées par certains jeunes n’étaient que le révélateur de normes aléatoires et dépassées ? En se regardant dans le miroir de ses enfants en mal d’apprendre, l’école peut y voir son propre handicap : une inadéquation à l’évolution des consciences.
L’école tout entière est à réinventer : il faut pour cela un déplacement du cadre et de l’autorité, ceci afin de permettre à chacun de développer ses talents uniques et donner la pleine mesure de ses possibilités, en tenant compte de ses limites particulières.
Déplacer le cadre, c’est offrir une souplesse absolue en ce qui concerne les matières et les horaires. Déplacer l’autorité, c’est accorder aux professeurs la permission de vivre leur vocation première, c’est-à-dire non pas sanctionner des matières non comprises ou non apprises, mais se mettre au service de chaque être qui souhaite apprendre des connaissances qu’il peut lui transmettre.
La nouvelle autorité de l’éducateur, comme celle du parent, si bien évoquée par Denis Marquet[1], sera d’encourager l’enfant à écouter la transcendance de son Désir profond, c’est à dire l’appel particulier de la Vie en lui, et d’y répondre sans relâche, en évitant les tentations de l’immédiat et du plaisir facile. (Entre son envie de jouer à la PlayStation et son Désir de devenir médecin ou guitariste, par exemple.)
Dès lors, l’évaluation ne pourra plus se faire en sens unique mais devra se baser sur un dialogue authentique entre le jeune et son professeur : quelle est ma situation aujourd’hui par rapport aux objectifs que je me suis fixés et les connaissances actuelles dans ce domaine que le spécialiste que j’ai devant moi peut m’enseigner ?
Au sein d’une telle école, dans laquelle il n’y aurait d’autre obligation que le respect de sa véritable dignité et celui de tous les êtres vivants, l’apprentissage ne s’arrêterait que lorsque le jeune aurait l’impression d’avoir épuisé tout ce qui était bon pour lui, de la même façon que l’on change de maître de musique lorsque l’ancien nous a appris tout son savoir personnel.
Si l’école répond à ces promesses de découvrir et de nourrir la singularité de chacun, il est peu probable que l’on se heurte ensuite à des difficultés de trouver un emploi, car la richesse particulière de tout être peut trouver une utilité au service de la société, dans des métiers sans doute à réinventer sans cesse.
Oser une telle métamorphose demande de lâcher-prise, d’oser l’inconnu, de risquer de se tromper. Mais ne vaut-il pas mieux errer dans le nouveau que de s’enferrer dans un ancien qui ne donne plus de fruits ? Quelle belle aventure nous attend là !
[1] Denis Marquet, Nos enfants sont des merveilles, Les clés du bonheur d’éduquer, Nil, 2012