Françoise Héritier et l’école

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Entretien avec Françoise Héritier

in Olivier Le Naire, Nos voies d’espérance, Entretiens avec dix grands témoins pour retrouver confiance, Actes Sud, Les liens qui libèrent, 2014

 

p 210 – 211 : Il faut investir massivement dans les crèches et les écoles maternelles, non pour fabriquer des enfants précoces qui sachent lire ou écrire plus tôt que les autres, mais afin qu’ils apprennent dès le plus jeune âge la sociabilité, le bien commun, la vie collective, la tolérance, et puis cette générosité (…) Qu’ils apprennent aussi les différents supports de la communication, qui passent par le geste, le toucher, le rire, le sourire, le regard. Tout cela éviterait de se retrouver dans les impasses que nous connaissons aujourd’hui. Cette ambition suppose de revoir entièrement nos méthodes éducatives, les buts de l’enseignement, la formation des maîtres. Et donc, au préalable, de réfléchir collectivement à la société que nous voulons vraiment, aux valeurs qui nous animent. (…)

Aujourd’hui, nous continuons sur ce vieux savoir alors que les conditions ont changé. Je pense qu’il faudrait, au contraire, promouvoir des systèmes fondés sur les capacités imaginatives des enfants. J’ai été frappée par un article de presse, lu récemment, dans lequel Jamel Debbouze expliquait qu’il a été sauvé par une personne qui, dans sa petite ville, avait monté un atelier d’expression corporelle et d’expression parlée.

(…) Je ne plaide pas pour laisser les enfants décider eux-mêmes, car ce serait une erreur fondamentale de croire que les élèves ont la science infuse ou savent mieux que nous. Non, je ne pense pas ça non plus. Les enfants sont forgés par les parents, les maîtres, les institutions, la culture et les autres. Mais il n’empêche qu’ils sont chacun dotés de qualités et surtout de capacités créatives et imaginatives énormes. Il ne faut pas les brider, voilà tout. Et il ne me semble pas hors de notre portée de prendre cela en considération.